Édito : Alassane Ouattara et le quatrième mandat : Un pari risqué ou une nécessité pour la Côte d’Ivoire ?

Édito : Alassane Ouattara et le quatrième mandat : Un pari risqué ou une nécessité pour la Côte d’Ivoire ?

Le 24 décembre 2024, Alassane Dramane Ouattara, président de la République de Côte d’Ivoire, a officiellement annoncé sa candidature pour un quatrième mandat à la présidence. Une décision majeure qui suscite des interrogations profondes et des débats passionnés au sein de la société ivoirienne et au-delà des frontières du pays. 

 

À 82 ans, après 15 ans de pouvoir, le chef de l’État semble bien décidé à poursuivre son action à la tête de l’une des économies les plus dynamiques d’Afrique de l’Ouest. Mais alors que la Côte d’Ivoire s’apprête à entrer dans une nouvelle phase de son histoire politique, il est légitime de se poser plusieurs questions : Quels sont les risques associés à ce quatrième mandat ? Quel avenir pour la démocratie ivoirienne ? Et surtout, cette décision est-elle dans l’intérêt supérieur du pays ou d’abord un choix personnel ?

 

Un quatrième mandat : une nécessité pour la stabilité ou un pari risqué ?

 

Depuis son accession au pouvoir en 2010, après la crise post-électorale qui a dévasté le pays, Alassane Ouattara a été perçu comme l’architecte de la stabilité et du développement économique en Côte d’Ivoire. La croissance du PIB, la construction d’infrastructures modernes et l’intégration économique régionale sont autant de réussites indéniables de son mandat. Cependant, à 82 ans, la question de sa capacité physique et mentale à poursuivre cette mission s’impose.

 

La Côte d’Ivoire, encore fragile sur le plan politique, pourrait-elle supporter un quatrième mandat sous la direction d’un président vieillissant ? La stabilité tant recherchée pourrait-elle se transformer en monopole du pouvoir, une situation qui pourrait engendrer des tensions internes et des résistances dans un pays qui aspire à une alternance démocratique ?

 

La démocratie en question : Vers une Stagnation Politique ?

 

La question qui se pose, au-delà de la personne d’Alassane Ouattara, est celle de l’avenir de la démocratie ivoirienne. Le pays, qui a traversé des crises politiques majeures, notamment la guerre civile de 2002 et la crise post-électorale de 2010-2011, avait semblé se diriger vers une consolidation démocratique ces dernières années. Mais cette décision de briguer un quatrième mandat remet-elle en cause les avancées réalisées en matière de pluralisme politique et de liberté d’expression ?

 

En effet, la prolongation du pouvoir d’un homme sur plus de 20 ans pourrait fragiliser la démocratie, déjà mise à mal par des tensions politiques persistantes. Le modèle de gouvernance ivoirienne, centré autour de la figure d’un homme fort, risque-t-il de se transformer en système autoritaire ? Dans un tel contexte, les opposants politiques et la société civile auront-ils encore la possibilité de jouer un rôle actif dans le processus démocratique ?

 

Les risques sociaux et politiques d’un quatrième mandat

 

Les risques sociaux associés à un quatrième mandat de Ouattara sont multiples. Si l’économie ivoirienne a connu une croissance impressionnante ces dernières années, elle reste confrontée à des défis majeurs, notamment la réduction des inégalités sociales et la lutte contre la pauvreté. Un quatrième mandat pourrait-il permettre de résoudre ces problèmes structurels ou au contraire, créer un climat de mécontentement populaire face à un manque de vision nouvelle ?

 

De plus, les risques politiques sont également à prendre en compte. Le président Ouattara est certes reconnu pour sa capacité à maintenir une certaine unité nationale, mais son maintien au pouvoir pourrait exacerber les divisions politiques et ethniques, déjà présentes dans le pays. Le climat politique pourrait devenir plus tendu, voire volatile à l’approche de l’élection présidentielle de 2025, avec des tensions entre le pouvoir en place et les partis d’opposition, notamment autour de la question du respect des institutions démocratiques.

 

Une décision qui soulève le drapeau du leadership ou du pouvoir personnel ?

 

Si la candidature d’Alassane Ouattara est saluée par certains comme un gage de continuité et de stabilité, elle est aussi perçue par d’autres comme un choix personnel plus que politique. À 82 ans, le président est-il encore motivé par l’ambition de faire avancer son pays, ou son désir de pouvoir est-il devenu une quête personnelle ?

 

Le président Ouattara a évoqué à plusieurs reprises, par le passé, sa volonté de se retirer pour permettre une nouvelle génération de leaders d’émerger. Mais aujourd’hui, il semble que ce moment soit repoussé encore une fois. Ce changement de position ne fait-il pas écho à un manque de leadership dans les institutions ivoiriennes ? La question de la succession en Côte d’Ivoire reste en suspens, et la politique du « dieu vivant » qui caractérise certains régimes africains n’est jamais loin.

 

La décision d’Alassane Ouattara de briguer un quatrième mandat en 2025 est un tournant majeur pour la Côte d’Ivoire. Si cette candidature peut sembler nécessaire pour certains, elle présente également des risques importants tant sur le plan politique que social. La démocratie ivoirienne se trouve à un carrefour : devra-t-elle continuer à s’appuyer sur des figures fortes ou se réinventer en intégrant une vraie alternance politique? La réponse à cette question déterminera non seulement l’avenir d’Ouattara, mais aussi celui de la Côte d’Ivoire tout entière.

 

À l’heure où le pays s’apprête à entrer dans une nouvelle phase électorale, la question demeure : la Côte d’Ivoire mérite-t-elle un quatrième mandat d’Alassane Ouattara, ou est-ce le moment de préparer une nouvelle ère politique, plus inclusive et plus démocratique ? L’avenir de la Côte d’Ivoire se trouve dans cette croisée des chemins, et la réponse à ces questionnements pourrait bien déterminer le sort politique du pays dans les années à venir.

 

Franck Olivier/Colombe média

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