Burkina Faso : Les enjeux de la Charte de la Transition révisée
Burkina Faso : Les enjeux de la Charte de la Transition révisée
En ce mois de mai 2024, le Burkina Faso se trouve à la croisée des chemins. Les assises nationales ont révélé une Charte de la Transition révisée, soulevant à la fois des espoirs et des inquiétudes. Les nouvelles dispositions, qui prolongent la période de transition de cinq ans à compter du 2 juillet 2024 et rendent éligibles les dirigeants actuels aux prochaines élections, sont au cœur d’un débat national intense. Quelles sont les implications de ces mesures pour un pays confronté à des défis sécuritaires et politiques majeurs ?
Stabilité ou usurpation?
La décision de prolonger la transition à 60 mois peut être vue sous deux angles. D’un côté, cette prolongation pourrait offrir une précieuse période de stabilité, permettant de consolider les réformes et de préparer des élections transparentes et crédibles. Le Burkina Faso, englué dans des conflits internes et des attaques terroristes, a besoin de temps pour panser ses plaies et reconstruire son tissu social. Une transition bien gérée pourrait poser les bases d’une démocratie durable.
D’un autre côté, cette prolongation suscite des craintes légitimes de dérive autoritaire. Les citoyens burkinabè, ayant déjà souffert de gouvernances successives peu scrupuleuses, pourraient voir dans cette mesure une tentative de perpétuer le pouvoir en place. Le risque d’une érosion de la légitimité démocratique est réel. Une transition qui s’éternise sans résultats tangibles pourrait entraîner une fatigue politique et sociale, exacerbant les tensions et l’instabilité.
Éligibilité controversée des dirigeants actuels
La possibilité pour le Président du Faso, le Premier ministre et le Président de l’Assemblée Législative de Transition (ALT) de se présenter aux prochaines élections est une arme à double tranchant. Si cela peut garantir une certaine continuité dans les politiques et réformes, cela peut également mener à des conflits d’intérêt flagrants. Les dirigeants actuels pourraient être tentés d’utiliser leur position pour asseoir leur pouvoir futur, faussant ainsi l’équité du processus électoral.
Fin des quotas : une nouvelle ère politique ?
L’abolition des quotas pour les représentants des partis politiques à l’Assemblée vise à une représentation plus flexible et réaliste des forces politiques en présence. Cependant, sans mécanismes de protection, les partis minoritaires risquent d’être marginalisés. Une Assemblée dominée par les partis majoritaires pourrait nuire au pluralisme et à la richesse du débat politique.
Patriotisme : un critère flou
La sélection des membres du gouvernement et des députés sur la base du patriotisme est une noble intention. Néanmoins, le patriotisme est une notion subjective qui peut facilement être manipulée pour justifier des nominations partisanes. La transparence et des critères clairs sont indispensables pour éviter les accusations de favoritisme ou de népotisme, qui saperaient encore davantage la confiance des citoyens.
Un organe de suivi et de contrôle : double tranchant
La création d’un organe chargé de définir, suivre et contrôler la mise en œuvre de la vision stratégique du pays peut renforcer la coordination et la responsabilité. Toutefois, si cet organe accumule trop de pouvoir, il risque de centraliser excessivement les décisions stratégiques, limitant ainsi la participation démocratique et la diversité des perspectives.
Vers une gouvernance équilibrée ?
La révision de la Charte de la Transition est un exercice d’équilibrisme. Elle doit trouver un juste milieu entre le besoin urgent de stabilité et les impératifs démocratiques. Pour que cette transition soit réussie, il est important que les dirigeants burkinabè agissent avec une transparence exemplaire, en veillant à inclure toutes les voix du pays dans ce processus. La vigilance de la société civile, la mobilisation citoyenne et la pression des partenaires internationaux seront des garde-fous essentiels pour éviter les dérives.
Le Burkina Faso a devant lui une opportunité historique de redéfinir son avenir politique. Saisir cette chance avec prudence et intégrité sera la clé pour un avenir plus stable et prospère.
Franck Olivier/Colombe média
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